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Rupture d’engagement de servir / 2015
Performance à la barre
EBABX

Monsieur,

Je n’ai pas de problème avec la hiérarchie, je n’ai pas de problème avec la place du père, je ne souhaite pas non plus m’allonger, je souhaite encore moins travailler pour vous, je ne chercherai plus votre regard, je n’attendrai plus que vous rechargiez ma batterie émotionnelle. Je ne souhaite plus me forcer à rire à vos blagues salaces, je préfère ne pas continuer à acquiescer, je vous remercierais de cesser de commenter mon rouge à lèvres, de mâcher moins fort votre galette des rois.

Je vous remercie pour vos conseils juridiques, je ne pense pas être en faute lorsque je dis que vous ne pouvez pas nous parler de la sorte, nous ne sommes pas vos chiennes, nous ne sommes pas vos poules, nous ne sommes pas vos putes.
Je n’ai pas 5 bras, je n’ai pas 10 jambes, je ne préfère plus entendre « Allez on se dépêche », si j’avais 2 bouches en revanche je vous cracherais bien au visage.
Merci de ne plus prononcer la phrase « On ne discute pas », merci de ne plus organiser de réunions dont la note serait «Ceci n’est pas un échange, c’est une mise au point, il n’y aura pas de discussion». Discutez-donc pour vous, je me fous de vos techniques de management, je me fous de votre cahier recensant nos « actions significatives », nous n’avons pas la même notion de ce qui est significatif, de ce qui est gratifiant, de ce qui est révélateur de notre engagement, ou pas. Tout ce qui pourra sortir de votre bouche sera maintenant considéré comme nul non avenu.

Je ne peux adhérer plus longtemps à un mode d’organisation du travail basé sur la terreur. Je vous serai gré de reconsidérer votre attitude, votre langage aussi. Je ne supporte plus cette chaise moelleuse avec votre nom dessus. Si vous sa- viez pourtant comme je m’y suis installée, la nuit, bien confortablement, pour lire des livres. Je ne m’engage pas plus longtemps à vos côtés, je ne m’engage pas à vous servir, je ne m’engage pas à ramasser votre merde, il est question aujourd’hui de ce que je peux tolérer, de ce que je peux attendre de vous, de ce que je peux attendre de moi, de ce que je souhaite ailleurs. Pas dans une autre vie. Maintenant, tout de suite, aujourd’hui.

Je ne suis pas qu’une exécutante, je peux encore accepter la notion de rende- ment, je peux encore accepter la notion d’adaptabilité, mais m’adapter à vous, vraiment, je ne préfère pas. Je ne préfère pas me couler dans une conformité, je ne préfère pas pousser plus loin ma capacité à obéir au nom de votre soi-disant légitimité qui m’ échappe. Je ne préfère pas me soumettre davantage à votre autorité destructrice, il est question ici de décence et de dignité. Je ne ferai pas de votre perversion un secret professionnel.

Je ne convoquerai pas d’avantage ma culpabilité et la perte de mon estime pour une demande qui dépasse les capacités de mon organisme. Je ne préfère pas considérer davantage votre professionnalisme, votre rigueur ou votre personnalité anxieuse et obsessionnelle. Je ne crois pas en vos méthodes de contrôle par la peur. Je ne crois pas en l’existence d’une relation par le conflit. Je ne préfère pas ignorer plus longtemps ma raison ou mes valeurs. Je ne préfère pas détourner votre regard davantage. Je ne préfère pas faire preuve de soumission. Je ne préfère pas faire preuve de servitude. Je ne préfère pas cautionner plus longtemps votre tyrannie.

Cela ne fait pas plus partie de mon contrat, que de ma fiche de poste, encore moins de mes capacités, de mon désir ou de mes aspirations. Je ne suis plus disposée à repousser le seuil de mes plus profondes règles morales. J’ai atteint le point de rupture, un point de non retour. Dans l’attente de ne plus avoir à faire à vous, je vous saurai gré de ne plus compter sur la moindre de mes considérations.

Cordialement.
Agent 027680.
Unité 1124